L'utilisation de revêtements en fluoropolymères en anticorrosion progresse mais à un rythme trop lent au goût des producteurs de polymères. Les explications sont probablement multiples. Solvay Solexis milite pour un rapprochement de tous les acteurs qui participent à la fabrication d'équipements revêtus.
FLUOROPOLYMÈRES
Même si les habitudes ont la dent dure, l'utilisation de
revêtements en fluoropolymères dans des applications en
anticorrosion gagne du terrain. En effet, de tous les matériaux
utilisés, ces revêtements sont de loin les plus résistants. Acides,
bases, températures (jusqu'à 260 °C), peu de conditions
opératoires leur résistent. D'autant qu'il existe une multitude de
grades de polymères, en partant du PVDF, plus connu sous le nom de
Teflon, jusqu'au PFA, le plus résistant de la gamme grâce à sa plus
haute teneur en fluor. Les fluoropolymères sont aussi des produits
purs, garantis sans relargage de produits chimiques, contrairement
aux revêtements en caoutchouc. Ils sont d'ailleurs appréciés dans
les industries électroniques et pharmaceutiques, si pointilleuses
avec la propreté. Enfin, comparé à l'acier vitrifié, les
équipements revêtus de fluoropolymères ont toujours la possibilité
d'être réparés. Leur seul véritable ennemi est le sodium métal et
de façon plus générale tous les métaux alcalins dissous ou fondus.
Parallèlement à ces considérations techniques, un autre atout
plaide en faveur du développement des fluoropolymères. C'est la
hausse des prix des métaux. Réputés pour être chers (en particulier
lorsqu'ils sont appliqués sous forme de liners), les
fluoropolymères redeviennent compétitifs lorsque les prix des
métaux s'inscrivent dans une tendance haussière. Or, cette tendance
est loin de se renverser compte tenu de la forte demande en
provenance d'Asie. Autre argument qui joue en la faveur des
fluoropolymères : leur évolution et surtout l'amélioration des
techniques d'applications du revêtement sur les équipements (voir
encadré ci-dessous).
Pour autant, Karel Argasinski, segment manager chez Solvay
Solexis, s'interroge sur la percée trop lente des fluoropolymères
en anticorrosion, en dépit d'un environnement technico-économique
plus que favorable. De son point de vue, l'utilisation de
fluoropolymères serait encore un peu trop empirique et il
n'existerait pas de véritables tables de corrélation entre
l'application et le matériau, à l'image de ce que l'on peut trouver
dans le métal. En revanche, chaque acteur se crée son propre
référentiel, à l'image de Symalit, spécialisée dans la fabrication
de liners en fluopolymères pour les chaudronniers. Cette société
s'est créé ses propres référentiels en s'appuyant sur un
savoir-faire vieux de trente ans. Selon Karol Argasinski, le
principal obstacle à la création de référentiels communs viendrait
du nombre d'acteurs présents dans la chaîne, du producteur de
fluoropolymères, susceptible d'améliorer les grades des produits, à
l'utilisateur. Entre les deux, on retrouve typiquement des
formulateurs de peintures ou des fabricants de liners, des
chaudronniers applicateurs de ces produits et parfois même des
ingénieristes qui jouent le rôle de prescripteurs. En comparaison,
dans l'acier vitrifié par exemple, le concepteur de l'équipement et
du revêtement en émail est directement en contact avec l'ingénierie
ou l'utilisateur final. Ce qui fait une économie de deux maillons
dans la chaîne. Résultat, Karol Argasinski se plaint de ne pas
pouvoir bénéficier de retours d'expérience suffisants, notamment au
regard de la tenue des revêtements en fluoropolymères au fil du
temps. Par ailleurs, « des applications de plus de vingt
ans dans différents domaines ont été oubliées »,
estime-t-il.
Aussi, pour contourner ce problème, il a entrepris une démarche
atypique : un tour d'Europe des équipements en fluoropolymères
de chez Solvay ou Ausimont. « Si je suis à l'Achema, c'est
pour participer au salon, mais également pour visiter quelques
usines dans les alentours », explique-t-il en mai dernier.
Ainsi, sur l'année 2006, son cheval de bataille consistera à
rebâtir un historique des applications déjà traitées avec des
fluoropolymères. Tandis que pour toutes nouvelles applications,
Solvay Solexis fait appel à ses laboratoires d'applications. Le
chimiste préconise dans le même temps un rapprochement de tous les
acteurs de la chaîne. Son objectif est d'apporter des preuves plus
tangibles aux utilisateurs des bienfaits des fluoropolymères en
anticorrosion.
Sylvie LatieuleCINQ METHODES D'APPLICATION ET SIX FLUOROPOLYMÈRES
Il n'existe pas une mais cinq techniques d'applications des
fluoropolymères sur les équipements chimiques. L'application du
revêtement est en effet fonction de toute une série de paramètres,
commencer par la taille de l'équipement et sa compléxité (forme,
trous…). Mais aussi des conditions de la réaction, de l'épaisseur
de fluoropolymère désiré, de coût et surtout du type de
fluoropolymère à appliquer. Communément, on utilise six
fluoropolymères : le PTFE non thermoplastique), l'ETFE,
l'ECTFE, le FEP, le PFA et le PVDF que l'on trouve sous la forme de
poudre ou de liquide.
Adhesively bonded
A la manière d'un papier peint, on colle des bandes de
revêtement en fluoropolymère (tous les types peuvent être utilisés)
à l'aide d'un adhésif de contact ou actif à chaud. Mais la
faiblesse se situe au niveau des joints. Parmi les avantages :
résistance à la pression et aucune limitation de taille.
Rotolining
Pour l'ECTFE, le PVDF et le PFA, cette technique consiste à
faire tourner l'équipement dans les trois dimensions pour répartir
le fluoropolymère, en général sous forme de poudre. L'épaisseur est
comprise entre 1,91 et 6,35 mm.
L'avantage est l'absence de joint et la compléxité des
équipements. Mais la limite se situe dans la taille de
l'équipement : 8 m de diamètre et 20 m de long.
Spray & baked linings
La technique se fait soit par dispersion liquide pour le FEP, le
PFA, le PVDF, soit par spray électrostatique pour l'ETFE, le FEP,
le PFA, l'ECTFE et le PVDF. Le procédé est multicouche, dont
chacune nécessite d'être cuite séparément, d'où un temps de
fabrication non négligeable.
Dual laminate
On commence par fabriquer le revêtement PTFE sur un support et
c'est par dessus que l'on va fabriquer le renfort en fibre de verre
qui apporte une très bonne résistance mécanique.
On a ainsi un bon accès à l'équipement, quelle que soit sa
forme, depuis l'extérieur.
Aucune limitation de taille et faible poids.
Loose lining
Avec du FEP, du PFA et du PTFE modifié, on peut envisager de
fabriquer le revêtement dans son intégralité à l'extérieur du
récipient et de le glisser, en le tordant, dans le récipient. Si
l'équipement final résiste à la pression, il ne tient pas le
vide.
G.D.
SOLVAY SOLEXIS EN BREF
Solvay Solexis est un des leaders mondiaux de la production de
fluoropolymères, aux côtés de DuPont et d'Arkema. Cette filiale a
été constituée en janvier 2003, suite à la fusion des activités
fluoropolymères de Solvay et de l'Italien Ausimont qui venait
d'être racheté par Solvay. Le siège de Solvay Solexis est
d'ailleurs basé à Bollate, en Italie, ancien fief d'Ausimont.
Aujourd'hui, la société emploie quelque 1 800 personnes
pour un chiffre d'affaires de 600 millions d'euros. Elle
dispose de onze sites de production répartis en Italie, aux
Etats-Unis, au Brésil, au Japon, et en France avec le site de
Tavaux.