« Une innovation visionnaire ». C'est ainsi qu'a été qualifié le polyester PTT (polytriméthylène téréphtalate) lors du dernier forum mondial des plastiques et de l'environnement. Mais ce commentaire ne s'adressait pas au Corterra, fibre PTT mise au point par Shell dans les années quarante dont la commercialisation n'a pu débuter que dans les années quatre-vingt-dix pour des raisons de coût de production. Il s'adressait en fait à la fibre PTT Sorona dans sa version “bio” et qui sera lancée officiellement en 2006.
Sa particularité est que
l'un de ses ingrédients clés, le 1,3-propanediol ou PDO, est issu
de la fermentation du maïs. Pour l'heure, les fibres Sorona que
l'on trouve sur le marché, et qui sont utilisées dans
l'habillement, les moquettes et les objets en plastiques, sont à
100 % d'origine pétrochimique.
Avant-gardiste, DuPont
peut légitimement revendiquer ce qualificatif. Les premiers
communiqués sur ce polyester issu d'une matière première
renouvelable datent de 1999 (et les recherches sont encore
antérieures). Cette année-là, le groupe de Willmington mettait en
service, en collaboration avec Genencor, le premier pilote de PDO
utilisant un bioprocédé. Un an plus tard, le groupe annonçait une
alliance avec le sucrier britannique Tate & Lyle, qui s'est
prolongée quatre ans plus tard par la formation d'un joint-venture,
baptisé DuPont Statley BioProducts. Aujourd'hui, DuPont annonce la
construction d'une usine de 100 millions de dollars à Loudon, dans
le Tennessee, où les matières premières pétrochimiques seront
remplacées par des ressources renouvelables. Elle produira
notamment 45000 tonnes/an de bio-PDO, tout en consommant 30 à 40 %
d'énergie en moins que pour la production de PDO d'origine
pétrochimique.
Longtemps considéré comme
une curiosité de laboratoire, ce projet de PTT “bio” prend toute sa
dimension à la lumière de la flambée des cours du pétrole encore
accentuée par les dégâts de l'ouragan Katrina.
D'ailleurs, l'utilisation
de ressources alternatives au pétrole est un sujet d'actualités
dans bon nombre de firmes. Ainsi Shell, Total ou encore l'Indien
Gail s'intéressent de près à la technologie “methanol to olefins”,
où le méthanol est obtenu à partir de gaz naturel ou de charbon (p.
11). De son côté, Global Bio-chem est en train de passer à la phase
industrielle pour la production de polyols à base de
maïs.
Mais sur ces sujets,
DuPont garde une longueur d'avance. D'ici à 2010, le groupe promet
que le quart de son chiffre d'affaires proviendra de ressources
renouvelables, et notamment de ses activités dans les
biotechnologies appliquées aux matériaux. Au delà de ce projet sur
le bio-PDO, DuPont collabore avec le gouvernement américain sur la
construction d'une bioraffinerie. Le groupe est également associé à
Statoil, au sein du joint-venture Norferm, pour la production de
bioprotéines à partir de la fermentation du méthane. « Le monde est
arrivé à un stade où nous ne pouvons plus nous permettre de nous
appuyer uniquement sur le pétrole et des produits dérivés du
pétrole », a déclaré Chad Holliday, président de DuPont. Le coup
d'envoi est donné pour un lancement à grande échelle de la chimie
“bio”.
Sylvie
Latieule