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« La chimie en France se tient bien et nous avons de nombreux spécialistes de très haut niveau dans nos universités, au CNRS ou dans de grands instituts. Il y a eu récemment le prix Nobel d'Yves Chauvin qui a proposé un mécanisme pour la réaction de métathèse, alors qu'il travaillait à l'IFP. Cependant, il ne s'agit pas d'être nationaliste ; s'il y a une chimie en France, il n'y a pas de chimie française. La science n'a pas de frontières. La chimie est un acte créateur. Ses découvertes dépendent de l'imagination et de la main du chimiste. Elle s'appuie sur le tableau périodique des éléments, les briques de l'univers, qui est un élément majeur de notre connaissance du monde. C'est la clé de toute la matière visible, de la matière inerte à la matière vivante et pensante, et de tout notre univers. La chimie se développe aujourd'hui autour de trois grands axes. D'une part, nous cherchons à fortifier son tronc central avec la découverte de nouvelles réactions, de nouveaux procédés de synthèse, de nouvelles molécules et de nouveaux matériaux. Nous essayons de parfaire cet outil afin de construire des objets très variés à partir des atomes. Nous avons la possibilité de recomposer la matière qui existe déjà dans notre univers ou de faire des objets qui n'existent pas encore, possédant des propriétés nouvelles. La diversité des objets que l'on peut créer est infinie. Un autre axe important de la chimie est son interface avec la biologie. Tous les objets biologiques sont constitués de molécules souvent très complexes comme les protéines. Ce travail à l'interface de la biologie permet en particulier, la découverte de nouveaux médicaments, mais aussi de comprendre les fonctionnements des systèmes biologiques sur des bases moléculaires. Enfin, la chimie travaille à l'interface avec les matériaux. Le but est de créer des matériaux nouveaux doués de propriétés nouvelles. La planète est aujourd'hui confrontée à des enjeux majeurs, comme l'énergie, l'accès à l'eau potable, l'alimentation pour tous. La chimie peut apporter des solutions. Beaucoup de réactions et de procédés existent déjà. Il faut donc faire du développement. Mais des ruptures technologiques peuvent aussi se faire, en prolongement de découvertes scientifiques. Certes, l'un des grands défis de la planète sera d'utiliser davantage la biomasse pour pallier l'épuisement des ressources pétrolières. Il reste certes des procédés et des réactions à mettre au point pour convertir la biomasse en molécules complexes. Mais le sujet en lui-même n'est pas nouveau. Déjà dans les années 70, après le premier choc pétrolier, on a beaucoup travaillé sur cette thématique. C'est une vieille affaire, mais qui devient de plus en plus urgente.
En tout cas, le chercheur ne doit pas toujours avoir en tête une application précise, ce serait trop limitatif. Il est indispensable de faire de la recherche fondamentale. C'est crucial. De ces idées peuvent ensuite découler des applications les plus variées. Dans les années 90, lorsque nous avons travaillé à Strasbourg sur des polymères supramoléculaires, avec des interactions non covalentes, nos études étaient purement académiques. Il a fallu du temps pour trouver des applications. Mais aujourd'hui, la société Arkema a mis au point un polymère autocicatrisant mettant en œuvre les propriétés de ce type de polymères ».