Entre la mise en application des niveaux d'intégrité de sécurité (SIL), l'ajout de fonctionnalités et la tendance à l'externalisation, la mesure n'est pas aussi figée qu'il y paraît.
TECHNOLOGIE
Rien de nouveau sous le soleil de la mesure physique ? Pas
si sûr. Evidemment, vu de loin, le principe de la mesure de niveau,
de débit, de température, de pression n'a pas beaucoup évolué
depuis une bonne dizaine d'années. Ce qui n'a pas empêché les
fournisseurs d'améliorer leurs équipements pour satisfaire toujours
plus les exigences des industries de process. « Depuis deux
ou trois ans, la vraie évolution, surtout dans la débitmétrie, se
situe dans l'ajout de fonctionnalités au sein d'un même instrument.
Cela permet d'obtenir des paramètres plus facilement exploitables,
avec une plus grande précision », constate Christian
Knecht, responsable marketing produits chez Endress+Hauser. À titre
d'exemple, la débitmétrie Coriolis intègre en plus du débit
massique une mesure de masse volumique, température et désormais de
viscosité. Ces paramètres permettent ainsi la gestion de la
quantité de matière mais aussi le suivi précis de la qualité du
produit fini.
Autre cas, l'utilisation dans les débitmètres par ultrasons de
la vitesse du son dans le liquide sonne une idée assez fiable du
type de fluide mesuré. Enfin, l'association entre la débitmétrie à
effet Vortex et une prise de température permet par exemple pour la
mesure de débit de vapeur d'accéder à un résultat massique, et non
plus uniquement volumique. Dès lors, on parle directement en
quantité de matières.
« La demande des industriels va aussi vers une
simplification de l'utilisation et des opérations de maintenance,
notamment grâce à des interfaces opérateurs qui permettent presque
de s'affranchir des manuels d'utilisation », poursuit
Jean- Michel Goarin, directeur commercial instrumentation chez
Yokogawa France. Autre avancée : l'autodiagnostic des
appareils, durant leur fonctionnement, qui permet de détecter par
exemple les colmatages, la présence d'air dans le liquide ou encore
la corrosion sur les débitmètres. Avec à la clé, une meilleure
planification de la maintenance préventive et surtout une plus
grande sécurité.
Les SIL s'imposent
D'autant que les instruments de mesure contribuent de manière
active à la réduction des risques sur le process. En effet, les
systèmes instrumentés de sécurité (SIS), dont ils sont un élément
sensible, permettent de contrôler les paramètres du process et
d'actionner les organes de sécurité en cas de dépassement des
limites.
Aujourd'hui, avec la mise en application de la norme EN 61511
sur les SIS pour les process industriels et son corollaire, les
niveaux d'intégrité de sécurité (SIL), on peut formaliser et
évaluer la diminution des risques que doit apporter le SIS. En
passant de SIL 1 à SIL 2, à SIL 3 et enfin, à SIL 4, la probabilité
de défaillance d'un instrument diminue d'un facteur 10 à chaque
étape. La présence des instruments permet alors de jouer sur le
couple « probabilité d'occurrence x gravité de
l'incident » et ainsi aboutir à un risque résiduel acceptable.
« Les normes SIL s'imposent peu à peu à l'ensemble des
produits utilisés dans l'industrie chimique. Ce qui signifie que
les constructeurs doivent maintenant développer des versions SIL
dans toutes leurs gammes d'instruments de mesure. Il y a peu, ces
normes ne concernaient souvent que la mesure de pression.
Aujourd'hui, Yokogawa présente, par exemple, des débitmètres
répondant à ces exigences. Et demain, toutes les mesures auront
leur version SIL », précise Jean-Michel Goarin. Il est
toutefois important de préciser que, selon EN 61511, le SIL ne
concerne pas un élément isolé mais bien la boucle de sécurité
complète, à savoir le capteur, l'automate, la vanne… Mais
l'apposition d'un SIL sur un instrument peut aider à la sélection
des éléments en tenant compte de certains paramètres internes de
sécurité comme la SFF (« Safety failure fraction », taux
de défaillance en sécurité).
Et qui dit SIL dit test périodique. Avec pour conséquence la
généralisation du numérique, que ce soit pour les capteurs et les
transmetteurs mais aussi, à terme, pour les actionneurs, vannes,
variateurs… afin que tout ce petit monde communique. « En
effet, avec un capteur de niveau installé à 30 m de hauteur
sur une cuve, difficile d'imaginer effectuer une vérification
manuelle fréquente comme il est demandé », illustre
Christian Knecht.
Pour plus d'informations sur les SIL, voir l'Ineris, le
Gimelec et www.safetyusersgroup.com.
Gwénaëlle DeboutteUN SECTEUR EN BONNE SANTE
L'année 2005 a été bonne pour le secteur de l'instrumentation.
Sans surprise, c'est l'export qui tire les résultats vers le haut.
« On constate depuis quelques mois un fort courant
d'affaires à l'export direct ou indirect, conséquences
d'investissements dans les domaines du pétrole, de la pétrochimie
et de la chimie au Moyen-Orient, en Afrique et en Asie constate
Jean-Michel Goarin (Yokogawa). Par opposition, les projets
destinés à des sites chimiques en France sont toujours peu nombreux
et les investissements limités ». Ces derniers se
cantonnent le plus souvent à des mises en conformité dues aux
réglementations ou à des remplacements de gammes. Par ailleurs,
l'activité des fournisseurs est marquée par une autre tendance,
l'externalisation de la gestion de l'instrumentation, de la
définition de projet à la maintenance en passant par le montage et
la mise en service. « Et ce, quelle que soit la marque de
l'équipement », précise Christian Knecht. De fait, les
sociétés capables de proposer ces prestations complètes sont
forcément peu nombreuses. D'où une concentration du secteur.
« Par ailleurs, il en découle une uniformisation du parc
de matériels afin de limiter les coûts de pièces de rechange et de
faciliter les opérations de maintenance », analyse
Jean-Michel Goarin.